Friday, March 28, 2008

Un point sur l'actualité arménienne: la descente aux enfers continue

Les élections présidentielles qui ont eu lieu le 19 février ont vu la victoire au premier tour du Premier ministre actuel et favori du Président sortant, Serge Sargsian. Le candidat qui était son principal opposant, Levon Ter Petrossian est l’ancien Président (1991-1998) et l’homme qui a conduit le pays à l’indépendance entre 1988 et 1991. La campagne a été virulente et très suivie par les citoyens, et les résultats le jour du scrutin ont donné une avance telle à Sargsian qu’elle a donné à tous (sauf aux observateurs de l’OSCE apparemment) le sentiment que les résultats étaient gonflés par des irrégularités surtout au moment du comptage : après plusieurs estimations qui donnaient 57% à Sargsian et 19% à Ter Petrossian les résultats définitifs sont redescendus à 52% contre 25%. Dès le lendemain, 20 février, Ter Petrossian a réunit une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes et organisé un campement de tentes sur la place de la liberté. Aucun débordement n’a eu lieu ni ce jour là, ni les jours suivants qui ont vu les manifestations se poursuivre dans le calme. Ter Petrossian se prétend le vainqueur des élections et appelle au mieux à une démission immédiate du gouvernement qu’il qualifie de « cleptocratie» et au moins à la tenue de nouvelles élections. L’OSCE dans son compte-rendu provisoire a noté des irrégularités pendant le décompte mais a malgré tout validé le scrutin le disant en règle avec les critères internationaux et les engagements de l’Arménie. Notons que dans les trois jours qui ont suivi l’annonce des résultats 10 fonctionnaires du MAE dont certains en poste à l’étranger ont démissionné par protestation, et le procureur général adjoint, Gagik Jahangirian a rejoint l’opposition. Il est maintenant en détention. Kotcharian a dès le 23 février précisé que les forces de maintien de l’ordre étaient prêtes à intervenir pour assurer le calme et l’ordre public si un coup d’Etat se profilait. A cette date les arrestations politiques ont commencé, sur des personnalités en vue dans l’équipe de campagne de Ter Petrossian. Sur le plan politique, Sargsian a lancé une manœuvre de ralliement de la troisième et quatrième force politique de cette campagne, en engageant des négociations sur les postes à pourvoir.
Le 28 l’ex-KGB admet avoir envoyé deux hommes de son administration dans la manifestation de Ter Petrossian, que celui-ci avait accusé de pousser à la violence. Le lendemain, nouvelle mise en garde de Kotcharian, plus sévère.

Le 1er mars, le campement de tentes est dispersé brutalement par la police, Ter Petrossian ramené à son domicile par le chef de la sécurité personnelle de Kotcharian où il est place en résidence forcée. Quelques heures après, 10000 personnes se rassemblent entre la mairie et l’ambassade de France, et se barricadent derrière des bus. Ter Petrossian entame un dialogue avec les autorités leur demandant de l’autoriser à revenir auprès des manifestants pour les appeler au calme et éviter de nouveaux incidents. Le dialogue échoue. Dans la soirée le Président déclare l’état d’urgence, le rassemblement est dispersé après des affrontements entre les policiers et les manifestants qui font 8 morts (dont un du côté des policiers) et 230 blessés des deux côtés. On ignore tout des circonstances dans lesquelles ces 8 personnes ont été tuées. Les forces de l’ordre diront qu’ils ont dû sévir à cause de rapports qui indiquaient la présence d’hommes armés parmi les manifestants. La preuve de l’existence de ces armes aurait été faite quand les manifestants avaient repoussé les policiers avec des barres de fer. Une division blindée est envoyée quadriller la zone de l’affrontement à 4h du matin dans la nuit du 1er au 2. Deux députés proches de Ter Petrossian, Miasnik Malkhassian et Hakob Hakopian viennent grossir le nombre des détenus politiques, à 30 le 02 mars. Deux autres sont en fuite : Khatchatour Sukiassian et Sasun Mikaelian. Les auditions préliminaires ont déjà commencé pour ces deux députés, qui ont perdu leur immunité parlementaire après un vote du Parlement le 04 mars. Le 03 mars un décret du président suspend la liberté de la presse pendant la durée de l’état d’urgence, jusqu’au 20 mars, cependant que la Cour Constitutionnelle commence les auditions par rapport aux plaintes sur les irrégularités des élections. La communauté internationale, par la voix des Etats-Unis, de l’ONU et de l’OSCE, a appelé à l’abréviation de l’état d’urgence et au dialogue entre les parties.


Le 04 mars parvient également la nouvelle d’une rupture du cessez-le-feu au Karabakh. Chacune des parties rejette la faute sur l’autre. Le nombre de victimes irait de 02 à 10 selon les sources, en majorité des soldats azerbaïdjanais. La communauté internationale appelle au respect du cessez-le-feu par toutes les parties. Ce matin 08 mars, des rapports de presse azérie, turque et macédonienne parlent d’une alliance militaire entre la Turquie et l’Azerbaïdjan pour lancer une opération de débusquement de terroristes du PKK réfugiés au Haut-Karabakh.

Les autorités continuent à durcir leur position et à condamner toutes les voix dissidentes sur leur gestion de la crise, celle du médiateur de la République (ombudsman), Armen Harutiunian par exemple, et parlent de la possibilité d’arrêter Levon Ter Petrossian et de le faire passer en jugement si les auditions de ces camarades laissent penser qu’un coup d’Etat s’organisait. Ce matin (08 mars), le procureur général Aghvan Hovsepian, a exposé « l’hypnose de masse » dont Ter Petrossian a fait usage pour parvenir à rassembler autant de monde dans les rues ; il envisage par conséquent de faire appel à l’expertise de psychiatres et de psychologues au cours des procès qui doivent s’ouvrir le plus vite possible.


Le 06 mars, Matthew Bryza, assistant adjoint au secrétariat d’Etat aux affaires européennes et eurasiennes, a rencontré le Président Kotcharian. Il s’est gardé de condamner la proclamation de l’état d’urgence souhaitant qu’il soit levé au plus vite, a appelé au calme et au dialogue, et à ne pas faire la chasse aux opposants politiques, alors que les chiffres du gouvernement donnent ce matin le chiffre de 68 détenus. L’Union Européenne a, elle, demandé à ce que toutes les personnes arrêtées pour avoir participé aux manifestations soient relâchées. Bryza a aussi rencontré Ter Petrossian et Raffi Hovannissian, dont le parti est le seul parti d’opposition représenté au Parlement. Dans un article paru le 05 mars dans Washington Post, Ter Petrossian demandait à la communauté internationale de condamner fermement les actes du gouvernement arménien, précisant que l’absence de réactions énergiques des pays occidentaux et des organisations internationales amèneraient « les Arméniens à tirer deux conclusions indésirables : que les moyens pacifiques et légaux sont inutiles dans une lutte politique, et que l’Ouest se soucie de démocratie uniquement quand ça l’arrange politiquement. »

Je résume : les Etats-Unis et l’OSCE très prudents, et de toute façon pour ne pas troubler les choses et que les conflits ne reprennent pas dans le Caucase, et surtout que le BTC ne souffre pas de tout ça. Poutine satisfait de la gestion de la crise par les autorités. L’Azerbaïdjan qui en profite pour faire monter la sauce. Les media silence radio. 8 morts, plus de 100 prisonniers politiques, à la date du 28 mars 2008. Un procès qui promet de nous rejouer les meilleures scènes juridiques de l’époque brejnevienne.

2 comments:

Richard said...

Bon résumé de la situation.

Quelques précisions: Levon Ter Petrossian en temps que président avait lui même envoyé l’armée à intervener brutalement lors de l’élection de 1996. Durant la campagne récente les propos de Ter Petrossian et de ses partisans furent incendiaires et Ter Petrossian s’est déclaré vainqueur même avant le scrutin. Finalement, les autres partis d'opposition appui le gouvernement suite aux événements du 1er mars.

Anonymous said...

Bonjour! Je suis Wangbu en provenance des Philippines. Vous avez un beau blog. Je suis reconnaissant Je l'ai découvert